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Question de Mme Dominique Vérien (Yonne - UC) publiée le 14/07/2022

Mme Dominique Vérien attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la nécessaire adéquation entre les effectifs en matière d'officier de police judiciaire et la limitation de la durée des enquêtes préliminaires.
En effet, le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, dit « confiance dans la justice », prévoit, entre autres, la limitation de la durée des enquêtes préliminaires à deux ans, avec une possible prolongation d'un an sur décision du parquet et trois ans, avec une possible prolongation de deux ans en matière de criminalité organisée et de terrorisme. Si la mesure est louable, tant les délais de la justice d'aujourd'hui ne sont pas acceptés par nos concitoyens, il n'en demeure pas moins une inquiétude sur l'effectivité de cette mesure. À ce titre, plusieurs remontées de terrain pointent un risque réel de nombreux classements sans suite faute de pouvoir mener l'enquête dans les délais imposés. Certains envisageaient qu'une instruction pourrait être ouverte, ce qui sera très majoritairement impossible au vu du peu de juges d'instruction.
Ainsi, pour pouvoir garantir le succès de cette mesure, il apparaît indispensable que les moyens dédiés aux enquêtes, et donc le nombre d'officiers de police judiciaire soient en cohérence avec cette mesure. C'est d'autant plus important qu'aujourd'hui il est déjà fait état d'un manque chronique d'enquêteurs dans les domaines spécialisés tels que la criminalité financière par exemple.
Aussi, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qui seront prises en ce sens par le Gouvernement.

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Transmise au Ministère de l'intérieur et des outre-mer


Réponse du Ministère de l'intérieur et des outre-mer publiée le 16/05/2024

La réponse pénale constitue une attente forte des Français. La nécessité de renforcer la chaîne pénale et ainsi garantir une réponse judiciaire efficiente à la délinquance est pleinement prise en compte par le Gouvernement : développement de la justice de proximité, hausse du budget du ministère de la Justice, déploiement de la procédure pénale numérique, loi d'orientation et de programmation pour la justice, etc. L'efficacité de la chaîne pénale exige aussi que les forces de l'ordre disposent d'une filière judiciaire efficace, notamment d'un nombre adapté d'officiers de police judiciaire, pleinement formés, pour traiter mieux et plus rapidement les procédures. Tel est le sens de la politique menée. Alors que la filière investigation de la police nationale traverse depuis plusieurs années une crise qui tient à plusieurs facteurs et qui se traduit principalement dans la difficulté à attirer les policiers dans les services d'investigation, plusieurs actions ont été entreprises au cours du précédent quinquennat pour restaurer l'attractivité des missions judiciaires, concrétisant un véritable plan pour l'investigation. La gendarmerie nationale, de son côté, ne constate pas de perte notable d'attractivité de la fonction investigation. A titre d'illustration, l'année 2021 a vu 10,5 % de candidats supplémentaires pour l'examen technique d'OPJ par rapport à l'année précédente. Ce maintien d'attractivité de la filière judiciaire en gendarmerie s'explique par différentes raisons : - la réussite à l'examen d'OPJ est la condition sine qua non d'avancement au grade supérieur ; - les responsabilités et l'autonomie confiées aux enquêteurs de la gendarmerie sont valorisantes. Les directions d'enquête sont généralement assurées par des sous-officiers, de la constatation des faits, jusqu'à l'audience éventuelle. En 2021, les procédures d'avancement des fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale ont été modifiées pour promouvoir une véritable filière investigation (accélération du parcours de carrière et conditions d'ancienneté particulièrement favorables pour les agents détenteurs de la qualification et de l'habilitation d'officier de police judiciaire exerçant sur un poste recensé dans une « cartographie » des postes OPJ). Des mesures ont également été prises pour accroître l'attractivité de la filière sur le plan de la rémunération : le montant annuel de la prime liée à l'exercice des attributions d'officier de police judiciaire, dite « prime OPJ », a été revalorisé. Sur le plan de la formation, la direction centrale du recrutement et de la formation de la police nationale a engagé depuis 2018 une rénovation de son offre afin d'accompagner l'émergence d'une véritable filière. En avril 2021, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer avait annoncé que la durée de la formation initiale des gardiens de la paix serait de nouveau portée à 12 mois. Tel est le cas depuis mai 2022. Par ailleurs, depuis mai 2022 également, et dans une logique de redynamisation de la filière investigation, la formation « OPJ » est désormais intégrée dans la formation initiale des gardiens de la paix. Des moyens dédiés ont été mobilisés avec l'augmentation du nombre de postes de formateurs « OPJ ». Cette réforme va, concrètement, permettre de disposer de plus d'OPJ sur le terrain. La formation initiale des sous-officiers de gendarmerie est également de 12 mois, dont 9 mois en école et 3 mois dans leur affectation via un enseignement à distance. La formation à l'examen technique d'OPJ est incluse dans la période de formation en présentiel des élèves-gendarmes depuis le 1er septembre 2022. De nouvelles avancées sont encore prévues. Le renforcement de la filière judiciaire constitue en effet une des priorités de la feuille de route du ministre de l'Intérieur et des Outre-mer. Une profonde réforme de l'investigation est engagée. La prime OPJ va continuer à être revalorisée, tant dans la police que dans la gendarmerie nationales. La mise en oeuvre progressive de la réserve opérationnelle de la police nationale, créée par la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, permet également le recrutement de policiers retraités qui, en pouvant désormais conserver leur précédente qualité d'OPJ (ou d'agent de police judiciaire), pourront apporter un soutien direct et immédiat aux services d'enquête. Pour la gendarmerie nationale, qui dispose déjà de 30 000 réservistes, dont près de 3 150 sont d'anciens militaires de l'arme, titulaires du diplôme d'OPJ, cette mesure constitue un levier non négligeable pour appuyer les militaires d'active dans leurs investigations (après une brève période de remise à niveau pour ceux qui auront quitté le service depuis plus d'un an). La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur comporte également des dispositions qui visent à renforcer la filière investigation : simplification de la procédure pénale, extension des pouvoirs des agents de police judiciaire, etc. Elle prévoit en outre une modification du code de procédure pénale pour permettre aux policiers et gendarmes sortant d'école et ayant achevé leur stage de se présenter immédiatement à l'examen d'OPJ, sans attendre les trois années d'exercice prévues actuellement. En outre, la loi prévoit la création d'assistants d'enquête de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Afin de restaurer l'attractivité du métier, de décharger les enquêteurs de tâches purement formelles ne nécessitant pas de savoir-faire policier et d'améliorer la qualité des enquêtes face à la complexification croissante de la procédure pénale, ces nouveaux assistants d'enquête permettront aux enquêteurs de se concentrer sur leurs missions d'investigation. Le recours accru aux personnels administratifs pour exercer des fonctions non opérationnelles va également se poursuivre (politique de « substitution » de fonctionnaires actifs de police et de militaires de la gendarmerie par des personnels administratifs, techniques, des systèmes d'information et de communication, ou scientifiques). Il en sera de même du chantier de simplification de la procédure pénale, enjeu majeur pour l'attractivité de la filière judiciaire. Une avancée significative a déjà été acquise avec le développement depuis septembre 2020 de l'amende forfaitaire délictuelle, dont le périmètre sera étendu. Ce chantier bénéficiera d'un nouvel élan au terme des consultations engagées à la suite des « états généraux de la justice ». La filière judiciaire a également été profondément redynamisée par la mise en oeuvre, en 2023, de la réforme de l'organisation de la police nationale qui a notamment permis de renforcer les capacités d'action judiciaire des services de police, avec en particulier la création d'une grande Direction nationale de la police judiciaire. Enfin, la formation des policiers reste un enjeu central et la future Académie de police comprendra un pôle d'excellence pour l'investigation. En ce qui concerne la gendarmerie, les délais de traitement des enquêtes judiciaires, notamment des enquêtes préliminaires, font l'objet d'un contrôle hiérarchique régulier de la part des échelons territoriaux de commandement, depuis l'encadrement de proximité en brigade jusque l'échelon départemental (compagnie et OAPJ). Ce suivi des procédures est facilité par l'application de suivi du registre des unités (Puls@r-Registre), en cours de refonte dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure pénale numérique. À terme, le nouveau « registre de gestion des procédures » (RGP) permettra de suivre également, de manière instantanée, l'état d'avancée des procédures. En outre, certains parquets organisent des traitements sur site des procédures (TSS). Les magistrats se rendant directement au sein des unités territoriales, ceci permet un contact régulier et direct avec les militaires enquêteurs, et de raccourcir ainsi certains délais de traitement. S'agissant du contentieux de la délinquance économique et financière, la gendarmerie compte actuellement 1 300 enquêteurs formés à ce type d'investigations, répartis en 3 niveaux d'expertise. Si jusqu'en 2022, la centralisation des trois niveaux de formation au sein du centre national de formation à la police judiciaire autorisait un volume annuel total de 170 nouveaux enquêteurs DEFI tous niveau confondus, la déconcentration du premier degré de formation (DEFI 1) au niveau des régions zones de sécurité et de défense dès 2023 permet d'en accroître considérablement le volume (50 DEFI 1 dans chacune des 6 régions zonales et le maintien du nombre actuel de formés au CNFPJ, recentrés sur les niveaux DEFI 2 et 3).

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